L’Entrepreunarial Mindset Profile (EMP) a fait l’objet de plusieurs années de recherche de développement menées par une équipe de psychologues et de chercheurs au Leadership Development Institute (LDI), Eckerd College (St Petersburg, Floride) affilié au réseau du Center for Creative Leadership (CCL).

En 2010, les concepteurs du programme de formation continue du LDI qui intègrent régulièrement des instruments d’évaluation aux cursus destinés aux cadres et dirigeants, ont lancé une recherche documentaire pouir identifier un outil d’évaluation de référence en matière d’esprit d’entreprise ou entrepreunariat. Cela devait permettre son application aux programmes d’enseignement en Leadership et Innovation conduit par le LDI. Ne pouvant trouver aucun outil existant susceptible de répondre à leurs attentes et leurs critères d’élection, les concepteurs de l’EMP ont tout simplement décidé de mettre en pratique leur capacité à faire preuve d’esprit d’entreprise en créant leur propre outil d’évaluation.

INTRODUCTION

La dernière décennie a vu croître de façon tout à fait remarquable l’intérêt pour le monde entrepreneurial : pour les entrepreneurs, pour la définition de l’esprit entrepreneurial et pour les entreprises elles-mêmes, quelle que soit leur taille. Les théoriciens, observateurs, chercheurs et commentateurs du monde du business ont élevé l’entrepreneuriat au rang de moteur essentiel pour la croissance économique. Certains, comme Lewis en 2012, l’ont décrit comme un concept novateur, à même d’aider les entreprises existantes face à la compétition internationale. D’autres vont plus loin, affirmant par exemple que seuls les entrepreneurs peuvent nous sortir du marasme économique actuel (Badal & Streur, 2012).

L’esprit entrepreneurial ne caractérise plus exclusivement les chefs d’entreprise. De plus en plus, les entreprises identifient, forment et valorisent les employés montrant des capacités entrepreneuriales (parfois dénommés « intrapreneurs »), et procèdent à une auto-analyse constructive de leur capacité à encourager l’esprit entrepreneurial en leur sein (Morris, Kuratko & Covin, 2008).

En dépit du grand intérêt suscité par l’esprit entrepreneurial, il n’y a pas de réel consensus sur les éléments qui le composent. La plupart des écrits sur les entrepreneurs sont théoriques ou anecdotiques. Comme l’ont fait remarquer Hisrich, Langan-Fox et Grant en 2007, les recherches n’ont pas produit de résultat vraiment cohérent au sujet des différences entre les entrepreneurs et les non-entrepreneurs, ou, au sein du groupe des entrepreneurs, des marqueurs des différents niveaux de réussite. Le LDI alors bâti un projet pour identifier un certain nombre de variables qui permettraient clairement de faire une distinction entre entrepreneurs et non entrepreneurs, et pour créer un outil de mesure de ces variables.

LE PROJET

L’interprétation de la littérature existante à ce sujet a amené le LDI aux conclusions suivantes :

1) Les entrepreneurs ont probablement certains traits de personnalité qui les différencient des non-entrepreneurs, et qui sont relativement stables (pas de bouleversement majeur à attendre, au moins à court terme).

2) Les entrepreneurs présentent probablement d’autres spécificités, relevant du domaine de la cognition ou de la résolution de problèmes, qui seraient davantage susceptibles d’évoluer, et donc réceptives au changement.

A partir de ce constat, nous avons cherché à développer un outil d’évaluation qui permettrait de mesurer les deux ensembles. Le premier peut être considéré comme un ensemble des particularités « innées » qui conduisent l’individu à avoir des projets d’entrepreneuriat. Le second ensemble inclut les particularités individuelles plus modifiables qui conditionneraient la réussite en tant qu’entrepreneur.

METHODOLOGIE

La première étape a consisté à déterminer des dimensions qui entraient dans l’un des deux ensembles, puis à formuler des questions permettant de les mesurer. A partir des connaissances des chercheurs, le LDI a mis en place 14 dimensions, 7 dans chaque ensemble. Sur la base de ces analyses, les chercheurs ont créé une seconde version, dans laquelle certains items ont été supprimés, d’autres modifiés, et quelques nouveaux introduits. Cette version comprend également 14 dimensions, mais la nature de ces dernières est sensiblement différente, en raison, d’une part, de l’analyse faite des résultats de la première version, et, d’autre part, de l’étude des publications en la matière, ainsi que d’échanges avec des leaders d’opinion du monde de l’entreprise.

Voici les 14 dimensions de l’EMP

Traits de caractère

Indépendance : Désir de travailler avec un degré élevé d’indépendance. (Ex : je ne suis pas à l’aise si je dois faire comme les autres)

Préférence pour une petite structure : Préférence pour des tâches et des situations avec peu de structure formelle. (Ex : je trouve ennuyeux d’effectuer des tâches trop clairement déterminées, d’appliquer des procédures-types)

Non-conformisme : Préférence pour agir de façon unique, vouloir être perçu comme différent des autres. (Ex : j’aime me démarquer)

Tolérance au risque : Volonté de poursuivre une idée ou un but désiré, même lorsque la probabilité de réussir est faible. (Ex : je suis prêt à prendre certains risques pour réussir)

Proactivité : Tendance à faire preuve d’initiative, prise de décision rapide, impatience quant aux résultats. (Ex : j’ai tendance à décider vite)

Enthousiasme : Tendance à ressentir ce que l’on fait comme passionnant et agréable, plutôt que fastidieux et ennuyeux. (Ex : je suis passionné par mon travail)

Besoin de réussir : Besoin de réussir, au plus haut niveau. (Ex : je veux être le meilleur)

Aptitudes

Orientation vers le futur : Capacité à voir au-delà de la situation présente, envisager et planifier l’avenir. (Ex : je prévois à long terme)

Génération d’idées : Aptitude à générer de nouvelles idées, et à trouver de multiples approches pour atteindre les objectifs. (Ex : parfois les idées me viennent naturellement)

Réalisation : Capacité à mettre en œuvre des idées, à les transformer en plan d’action. (Ex : j’ai la réputation de faire du concret, et de le faire bien)

Confiance en soi : Foi en sa propre capacité à tirer profit de ses compétences et talents et à atteindre ses objectifs. (Ex : j’ai confiance en moi)

Optimisme : Capacité à avoir une attitude positive dans toutes les situations. (Ex : même quand cela va mal, je vois le bon côté des choses)

Persévérance : Aptitude à rebondir rapidement face à une déception, un échec, et à rester constant. (Ex : je ne lâche pas facilement)

Sens du relationnel : Fort niveau de sensibilité et de préoccupation pour le bien-être de ceux avec qui on travaille. (Ex : je suis sensible aux sentiments des autres)

Pour cette seconde version, cependant, l’échantillonnage a compté exclusivement des entrepreneurs et des dirigeants d’entreprise. En collectant les réponses de véritables entrepreneurs, et de véritables non-entrepreneurs (ayant cependant un emploi rémunéré) les chercheurs ont pu évaluer des critères allant au-delà de la rigueur statistique et de l’intérêt théorique, et identifier des critères représentant uniquement et de façon empirique les « vrais » entrepreneurs.

Le LDI a soumis cette seconde version de l’évaluation à 725 adultes actifs (448 hommes, 277 femmes) choisis dans environ 50 sociétés différentes. Ces sociétés ont été choisies parce qu’elles étaient en mesure de « fournir » à la fois des entrepreneurs (cf. Tampa Bay Technology Forum’s Entrepreneur Network) et des dirigeants. Pour cette dernière catégorie, le LDI a invité quelques-unes des grosses sociétés clientes à participer (sociétés des secteurs de l’énergie, des services financiers, …)

Pour déterminer lesquelles de ces dimensions faisaient effectivement la distinction entre entrepreneurs et non-entrepreneurs, l’équipe de recherche a défini deux groupes distincts de sujets.

Le groupe des entrepreneurs, composé d’individus qui :

1) se sont identifiés comme entrepreneurs dans le questionnaire

2) ont indiqué être propriétaire ou copropriétaire de leur société

3) ne sont pas des étudiants à plein temps

Le groupe des dirigeants, composé d’individus qui :

1) travaillent pour des sociétés

2) n’ont pas indiqué être entrepreneurs

3) n’ont pas indiqué être propriétaire ou copropriétaire d’une société

4) ont indiqué gérer au moins 2 collaborateurs

Il convient maintenant de se demander quelle est l’utilité de cette évaluation.

A ce niveau des travaux, le LDI définit quatre applications principales de l’EMP :

  1. au sein de l’entreprise, outil d’évaluation de la capacité entrepreneuriale des employés,
  2. outil pour les coaches d’entrepreneurs,
  3. banque de données à l’usage des étudiants qui étudient l’entrepreneuriat et/ou envisagent d’entreprendre,
  4. outil de travail pour la recherche sur l’entrepreneuriat.

Au sein de l’entreprise, les participants à une formation ou à un coaching pourront :

-Découvrir les 14 traits de caractère et aptitudes associés à l’esprit entrepreneurial, et apprendre en quoi ces qualités sont utiles non seulement aux entrepreneurs, mais aussi aux dirigeants

-Comprendre que l’esprit entrepreneurial est important chez les leaders et les équipes moteurs de croissance et d’innovation, au sein des différentes organisations

-Recevoir un compte-rendu personnel de leur évaluation, élaboré à partir des 14 dimensions, et comparer leurs résultats avec des données normatives établies pour les entrepreneurs et les dirigeants

-Identifier leurs forces propres en matière de pensée et comportement entrepreneuriaux, et bâtir un projet d’optimisation de ces forces pour relever les défis cruciaux du leadership.

-Identifier leurs faiblesses en pensée entrepreneuriale, et utiliser le Guide de Développement de l’EMP à les minimiser

En fin d’évaluation (Questionnaire de 72 items), ils reçoivent un compte-rendu débriefé par le consultant certifié EMP (Durée 1h30 environ) Ce compte-rendu présente leurs résultats dans les 14 dimensions, ainsi que ceux des groupes d’entrepreneurs et de dirigeants, ce qui leur permet de se situer par rapport à ces deux groupes.

Voici un exemple de rapport, lequel comprend 2 graphes d’études : les TRAITS DE CARACTERE et les APTITUDES

Les participants reçoivent aussi un « Guide Pratique de Développement » incluant des chapitres sur l’interprétation des résultats, les stratégies de développement, les références et les plans d’action possibles.

Au niveau individuel, des résultats élevés au test EMP ne représentent pas simplement des forces à stimuler en vue d’atteindre des objectifs professionnels, mais peuvent aussi être orientés vers d’autres potentialités. Il est facile d’imaginer comment les comportements associés à une quelconque valeur de l’échelle de mesure peuvent être exagérés. Par exemple, un leader ayant un résultat très élevé en Persévérance peut utiliser cette capacité pour son bénéfice personnel ou celui de l’équipe quand un effort durable est requis. Mais ce même comportement, exagéré, peut mener à une incapacité de « lâcher prise » sur un projet ou une idée qui ne fonctionnera pas. Cet exemple souligne aussi l’importance du contexte lors de l’interprétation des résultats de l’évaluation. Ce qui fonctionne bien dans un certain contexte peut ne pas fonctionner dans un autre

Au niveau équipe, l’EMP peut être exploité de manière créative, mais là encore, le contexte sera important. Les différents aspects de l’EMP varieront en fonction des activités de l’équipe (ventes, finances…) : ce qui sera très intéressant pour un groupe ne le sera pas forcément pour un autre. De plus, parfois pour certaines dimensions, l’essentiel sera que quelques membres du groupe aient un score élevé. La Génération d’Idées est peut-être la mesure pour laquelle cela est le plus vrai, mais cela peut se vérifier aussi pour d’autres valeurs. Même si les chercheurs estiment qu’il est possible pour des individus de développer des aptitudes dans des domaines dans lesquels ils n’ont pas de capacité spontanée, naturelle, l’appartenance à un groupe permet souvent une approche complémentaire. Tant que les aptitudes nécessaires sont représentées dans un groupe, les individus le composant ont la chance de pouvoir utiliser et renforcer les forces existantes. Par conséquent, s’il est sûrement peu probable de « créer » des entrepreneurs, il est certainement possible de créer des équipes « entrepreneuses ».

Le LDI tient à souligner un point très important concernant l’utilisation de l’EMP au sein des sociétés : que cette évaluation soit utilisée à des fins de développement, et non à des fins de recrutement. Compte tenu de la lisibilité des items, on peut imaginer que des individus non motivés répondant au test puissent facilement trouver un moyen de manipuler leurs réponses. Tant que l’EMP n’aura pas démontré sa fiabilité en tant qu’aide à l’embauche, nous conseillons de ne pas l’utiliser à cet effet. En revanche, les chercheurs estiment que l’EMP peut servir en interne. L’examen des dimensions, en fonction du type de projet en cours, permettra de sélectionner les employés qui auront les qualités les mieux adaptés à la réussite du projet. Par exemple, une société envisageant de constituer des équipes efficaces pour la mise en place et la réalisation d’une nouvelle planification stratégique cherchera à constituer des équipes dont les membres auront réalisé des scores intéressants pour :

1) créer le plan stratégique (Orientation vers le Futur, Génération d’idées),

2) fédérer l’entreprise autour du plan stratégique (Optimisme et Sens du Relationnel),

3) mener la mise en place effective du plan stratégique (Orientation de l’Action et Réalisation).

Entrepreneurs :

A l’origine, l’EMP a été conçu pour les dirigeants. Cependant, il peut être utilisé en coaching d’entrepreneurs ou d’aspirants entrepreneurs. L’institut REPERE, partenaire de OPEN AND FLY, a intégré l’EMP dans son cursus de formation à l’Entrepreunariat.

Les entrepreneurs confirmés peuvent aussi tirer profit d’une analyse interne des forces spécifiques de l’entreprise. Les compte -rendus de groupe, combinés aux comptes-rendus individuels, peuvent aider les entrepreneurs à mieux identifier et dynamiser les atouts collectifs et individuels de l’entreprise. Enfin, les praticiens qui travailleront avec des entreprises familiales pourront aussi tirer parti de l’utilisation de l’EMP. Par exemple, quand différents membres de la famille veulent hériter de la position dominante dans l’entreprise, l’EMP peut aider à déterminer lesquels d’entre eux en ont la capacité.

CONCLUSION

L’EMP a de multiples applications : développement du leadership, développement des entreprises, détermination de plans de carrière. L’EMP est également un outil de recherche précieux. L’évaluation est adaptée au travail des scientifiques, des praticiens, et bien sûr des praticiens scientifiques. Le LDI pense que son utilisation continue alimentera la recherche et ses applications pratiques, et que son utilisation au sein des entreprises et des structures universitaires alimentera aussi les recherches futures. A travers ce processus itératif continu, le LDI espère que l’EMP nous permettra de mieux comprendre les entrepreneurs et les intrapreneurs, et également de transformer la capacité entrepreneuriale en succès aussi bien pour les entreprises que pour les associations à but non lucratif. Nous croyons que l’EMP est un outil de base sérieux pour encourager l’innovation, la recherche et la croissance au 21ème siècle.

D’après un document rédigé par Mark Davis, Jennifer Hall, Pam Mayer

Entrepreneurial Mindset Profile™ (EMP) / Eckerd College – Leadership Development Institute. European

Distribution : www.iwd-europe.com ©2013 Leadership Development Institute at Eckerd College. ©2017 European Institute for Workplace Dynamics – IWD Europe.

Cette adaptation exclusive (VF) de l’édition anglaise (Etats-Unis) est publiée et commercialisée par IWD Europe avec permission du Leadership Development Institute – Eckerd College (Floride), seul propriétaire de tous les droits pour publier et commercialiser son nom.

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